16 – 雨崩瀑布 Yubeng : Cascade Gelée, Chine
Le gouvernement chinois a tracé une ligne fictive séparant le pays en deux. Au Nord, les habitations ont le chauffage, mais pas au Sud…même si on est à plus de 4000 mètres. De toute manière, il y a une coupure d’électricité depuis la veille dans le village, donc en soi, ça ne change rien : je me suis caillé toute la nuit ! Au réveil, je m’en vais prendre un “petit-déjeuner” dans la salle commune, où il y a un poêle et un petit brasero. Comme la porte est souvent grande ouverte et que les murs fissurés n’arrêtent pas super bien le froid, il faut garder toutes ses couches de vêtements sur soi, mais en restant proche du feu, c’est déjà plus supportable.
Je me débrouille pour faire comprendre au gérant que j’aimerai faire du cheval aujourd’hui. Il me propose d’aller au “Sun Pooh” (en fait le vrai nom c’est Shenpu), un coin incontournable des alentours. Le prix me convient pour une excursion de 4 heures aller-retour. (Au départ, je voulais faire du cheval pendant 2-3 jours et dormir chez l’habitant, mais je pense qu’il aurait fallu passer par une agence et s’y prendre plus tôt. Quoiqu’il en soit, même à la journée, cela me permettra de reposer un peu mes jambes si souvent sollicitées depuis mon arrivée en Chine).
L’heure venue, un jeune accompagné de deux chevaux m’attend sur le chemin, près de l’auberge. J’espère ne pas me retrouver dans la même posture qu’à Dali, où une femme avait tenu mon cheval tout le long avec une corde. Heureusement, un second chinois parlant anglais, nommé “Ken” a lui aussi décidé de faire l’excursion. Nous grimpons sur nos montures et le guide se contente juste de crier quelques mots aux chevaux pour leur indiquer la direction, mais ils ne sont pas attachés. Ce ne sera pas là non plus que je pourrais faire du trot ou du galop, mais c’est déjà mieux…
La route est simplement magnifique. Je citerai d’ailleurs l’expression “le chemin est plus important que la destination“, qui s’est avérée véridique : c’est sur la route que nous verrons les paysages les plus époustouflants.
Nous longeons une rivière où des centaines – si ce ne sont pas des milliers – de pierres empilées les unes sur les autres couvrent ses rives.
Ken m’explique que ces tas de pierres sont censés représenter des chörtens tibétains, ces sortes de tours blanches qu’on trouve un peu partout au Tibet. Il en profite pour ajouter que les drapeaux innombrables accrochés partout ont cinq couleurs différentes, dont chacune a une signification.
Bleu : l’espace
Blanc : l’air
Rouge : le feu
Vert : l’eau
Jaune (ou orange) : la terre
En plus de représenter les éléments, ils symbolisent également des qualités, et les points cardinaux (Nord, Sud, Est, Ouest et Centre). Lorsque le vent souffle sur ces drapeaux de prières, c’est comme s’il emmenait avec lui les mots qui y sont inscrits.
Une fois la forêt dépassée, la vue sur les montagnes est à couper le souffle. Un des plus beaux paysages que j’ai pu voir de ma vie…
Le guide nous demande de descendre de monture, et nous poursuivons l’ascension à pied, car le sentier monte trop pour être parcouru à cheval.
Après peut-être une heure de grimpette (toujours aussi éprouvante à cause de l’altitude), j’arrive au fameux “Shenpu”. Il s’agit d’un genre de cascade gelée : un tas de neige sur la gauche, et de l’eau qui coule contre la paroi sur la droite. En haut, de l’eau tombe telle des gouttelettes de soleil. Parfois, ce sont de petits glaçons qui chutent, aussi, il faut faire attention.
Les croyances tibétaines disent qu’il faut passer trois fois sous la “cascade” pour être chanceux. Ce sont pourtant mes réflexes qui m’ont sauvé la mise : au moment où je me prenais en photo dans la neige, j’ai entendu un “VOUUUUUUUAAAAAAAH”. J’ai rapidement compris qu’un gros morceau de glace s’était détaché loin au-dessus et tombait à toute vitesse vers moi. M’échappant de la zone en courant, j’ai pu voir s’éclater par terre un bloc de glace d’une bonne quarantaine de centimètres, près de l’endroit où j’étais trois secondes auparavant. Je l’ai échappé belle ! (Je me suis juste pris un glaçon sur l’index, et ça ne fait pas du bien vu la hauteur dont ils tombent).
Après un moment de repos, et avoir rempli ma bouteille de cette eau on ne peut plus pure, j’entame la descente vers la vallée. Je remarque alors trois personnes qui empruntent un chemin que je n’avais pas vu. Je les suis, et découvre un petit sanctuaire à flanc de falaise. Rien de spécial, si ce n’est qu’un peu au-dessus s’ouvrent deux grottes. L’un des trois chinois m’explique que si on va jusqu’au bout de la grotte, sans lumière et en rampant (ce qui prend une dizaine de minutes selon lui), on est “un homme bon”. Si c’était si simple…
Voyant Ken, l’autre “touriste cavalier”, me rattraper, je poursuis le chemin vers le bas de la montagne, sans m’amuser à crapahuter dans les grottes. J’atteins un peu plus tard la cabane où notre guide nous a laissé, et bois un thé au beurre de yack, près du feu, en compagnie de quelques locaux.
Un jeune homme vient me voir alors, désolé, les mains jointes, et me demande si je peux lui accorder une faveur : sa copine s’est blessée le pied lors de l’ascension, et il voudrait mon cheval pour le retour. Chevaleresque, je ne peux qu’accepter, et rentre donc à Yubeng à pied.
Avec Mi Bin Bin et Zhang Wen (souviens-toi : les deux chinoises rencontrées à Feilai Si avec qui j’ai marché jusqu’à Yubeng), nous avions prévu de nous retrouver le soir pour manger ensemble. Elles voulaient à tout prix voir je ne sais plus quoi dans les parages, et cela demandait dix heures de marche au minimum. Sauf que la nuit commence à tomber… Je les attends, et le gérant de l’auberge s’inquiète aussi pour elles, car selon lui, il y a des loups et des ours dans le coin. En France, ça peut prêter à sourire, mais ici, on prend ça bien plus au sérieux, je peux te le dire ! Jusqu’à 22 heures, nous étions donc une poignée de personnes à agiter des lampes torches pour les aider à retrouver le chemin, car la nuit est noire et le village toujours privé d’électricité. Elles finissent par arriver, exténuées et assoiffées. Je n’ai rien compris de leurs explications aux autres gens dans la salle commune (zut, vraiment, si seulement j’avais appris le chinois !), mis à part qu’elles se sont perdues et n’ont pas du tout vu ce qu’elles avaient prévu.
Rassuré, je quitte la salle commune pour profiter d’un des plus beaux ciels étoilés de toute ma vie ! Forcément, sans électricité, toute la vallée est plongée dans l’obscurité…mais ça caille, donc je ne fais pas long feu dehors. Je regagne ma chambre, et ajoute une seconde couverture à mon lit, pour essayer de passer une nuit un peu moins froide que la précédente !
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